vendredi 21 décembre 2012

Sauternes et Barsac

« Le botrytis apprivoisé »



La géographie et le climat
Le berceau de ce vin doré le Sauternais, un territoire bordé au sud par les sables de la forêt landaise et au nord par la vallée de la Garonne. Le climat océanique confère à cette aire géographique des hivers doux et humides, des printemps humides et tièdes et des étés modérément chauds favorables à une maturation progressive des raisins.
Les précipitations sont abondantes en hiver et modérées en été Mais c'est à l'automne que le ciel attire tous les regards. En effet, du climat de septembre et d'octobre dépend le devenir des grands liquoreux. Dans l'idéal, dès la fin du mois d'août, le vignoble est enrobé d'un brouillard matinal issu de la rencontre entre les eaux froides du Ciron et les eaux plus douces de la Garonne. En fin de matinée, le brouillard se dissipe, le vent d'est ou de nord assèche les grappes, le soleil fait son apparition, et l'eau contenue dans les grains s'évapore doucement. Le jus se concentre. Les raisins "rôtissent" mais l'humidité est également indispensable en juin lors de la floraison.

Le Sauternais,
Vallonné, repose sur des terrasses gravelo-sableuses de la Garonne et du Ciron:
Une première terrasse, haute de 70 à 80 m, argilo-graveleuse
Une deuxième, intermédiaire, avec des graves plus grosses, moins argileuses, plus sableuses
Une troisième, plus basse, sous forme d'îlots.
L'alimentation en eau de ces sols est plus limitante à Sauternes qu'à Barsac. On obtient donc de fortes accumulations des sucres et la maturation des raisins se termine une à deux semaines avant Barsac.

Barsac
Est plus plane et plus bas (15 m d'altitude) que celui de Sauternes, ses sols plus homogènes.
Les zones les plus qualitatives présentent des sols peu épais: quarante centimètres de sables rouges.
L'ensemble a une faible capacité de rétention d'eau mais les réserves constituées en hiver sont suffisantes pour nourrir la vigne en été. Résultat: le stress hydrique est modéré et l'acidité préservée, les pellicules fines et peu tanniques, le fruit intact à la fin de la période de maturation. En revanche, l'accumulation des sucres est limitée. Les sémillons atteignent en général 12 d'alcool potentiel avant l'installation du botrytis.


La vigne
Il y a une véritable viticulture du Sauternais, très rigoureuse, II s'agit d'amener le raisin à maturité complète sans qu'il pourrisse et de le préparer au mieux à recevoir la pourriture noble. Car si le botrytis contamine les raisins avant maturité, c'est la pourriture grise qui se développe et le raisin est perdu. Et pour que le raisin soit sain et mûr le plus tôt possible, les travaux de la vigne se succèdent. La taille est une étape essentielle.
Entre fin juin et fin juillet: l'ébourgeonnage, l'épamprage, l'effeuillage, la suppression des entre cœurs et enfin les vendanges en vert. L'effeuillage ne concerne que le côté soleil levant, car à l'ouest, les feuilles empêchent le soleil de "cuire" les baies qui sinon passerilleraient et n'auraient plus grand chose à offrir au botrytis. Il faut qu'avant l'installation de la pourriture noble, les raisins soient le plus sucrés, acides et fruités possible, et ce le plus tôt possible. Le climat joue un rôle essentiel dans l'obtention de cet équilibre. Si les raisins sont très sucrés mais que le climat n'est pas assez humide, ils seront finalement peu fruités. »

Autre point à souligner: les traitements.

« Leur programmation a une incidence sur le comportement du botrytis,
Sans l'humidité du sol et de l'air, pas de vin liquoreux! , Le scénario idéal en septembre: brume matinale et après-midi ensoleillé grâce à l'anticyclone des Açores. Autre 1 scénario satisfaisant: une dépression océanique donne 1 quelques jours de pluie mais arrive ensuite un vent froid et sec du nord qui ramène le beau temps.
Le métabolisme du champignon peut alors être bloqué par la concentration en sucre qu'il engendre. Mais s'il pleut, les baies gonflent et le botrytis continue à se développer en créant des défauts olfactifs de moisi, terreux et phénol. Il faut alors effectuer une trie de nettoyage pour enlever les raisins malades.

Les vendanges
Lorsque, vers le 20 septembre, le raisin atteint 20 potentiel…

Yquem
« En 2005, au château d’Yquem, nous avons opéré 6 tries du 20 septembre au 20 octobre. Nous espérons toujours des vendanges précoces pour avoir des matières premières très fruitées. Cette année, nous avions 15 d'alcool potentiel au départ, et la pourriture noble a amené le raisin à 20 C'est bien car il ne faut pas qu'il y ait un trop gros écart entre le potentiel d'avant botrytis et celui d'après. »


Château Coutet
À Barsac, les vendanges démarrent plus tard qu'à Sauternes et durent en général plus longtemps. « Cette année, 6 à 8 semaines du 20 septembre au 10 novembre, précise Philippe Baly, responsable du château Coutet. « En 1997 par exemple, il avait peu plu pendant l'été. Puis nous avions eu trois jours de pluie avec un vent de nord qui séchait les raisins. Les vendanges avaient été faites quasiment en une seule fois, ce qui est très rare »

Château de Fargues
L’or des Lur Saluces

1472 : dans vingt ans, le Moyen Âge prendra fin avec la prise de Grenade et la découverte des Amériques, Pierre de Lur et Isabelle de Monferrand se marient à Fargues, un contrat à cette date est encore conservé dans les archives du château. 1586 : l'alliance des Lur avec les Saluces. C'est Bertrand de Lur Saluces qui avait entamé la renaissance. Dans les années 30, il décide de remplacer les vignes rouges par des vignes blanches (à peine 5 hectares au début), en accord avec la vraie vocation des lieux, produire du sauternes. Les mêmes principes que ceux en usage à Yquem seront appliqués à Fargues, tandis que le vignoble s'agrandi t peu à peu jusqu'aux 15 hectares actuels. 1943 : la meilleure année sous l'occupation verra le premier millésime mis en bouteille.

Le domaine

Fargues est un vaste domaine traditionnel de 170 hectares, une image sépia sortie tout droit d'un ouvrage agronomique d'autrefois. Des forêts, des champs de céréales, un troupeau, des vignes, on peut vivre en autarcie au pied des ruines du château médiéval. La vigne se porte bien de cette économie rurale. Les piquets sont fournis par des bosquets d'acacia, le maïs est là pour nourrir les bœufs de Bazas qui, outre l'intérêt suscité chez les bouchers locaux, produisent le fumier, seul amendement apporté à doses homéopathiques aux pieds de vigne. Une chaîne écologique, une sorte de retour aux sources, à une époque où les vignerons ne devaient compter que sur leurs propres ressources.

Le terroir
Les vignes entourent le château, sur un plateau en lisière de bois. Un terroir très homogène qui s'incline doucement vers la vallée. Le sol est constitué de sables clairs en faible épaisseur, environ 25 cm, qui sont assis sur des couches d'argiles rouges et de graves garonnaises, avec quelques traces d'alios. Le vignoble est entièrement drainé depuis fort longtemps. Ce sous-sol est la clé du style de Fargues, car il offre à la vigne une alimentation en eau régulière. Cette dernière ne souffre jamais de la sécheresse et la pente évacue les excès de pluie. Cette humidité ménagée est très favorable au développement du botrytis. Elle induit une acidité naturelle dans les moûts qui vient en tempérer la puissance sucrée. 80 % de sémillon, 20 % de sauvignon, les vignes ont un âge moyen de 37 ans. La parcelle la plus âgée, qui datait de 1930, vient d'être arrachée. Les rangs sont orientés nord/sud, les pieds taillés pour une charge minimale de sept à huit grappes par pied. Les traitements sont inspirés de la lutte raisonnée. La récolte est ici un modèle du genre, avec ses tries successives assurées par un personnel local bien entraîné, on attend systématiquement la limite des 20 % potentiels (340 à 350 grammes de sucre) pour cueillir les seuls raisins botrytisés. La légende rejoint ici la réalité.

Vinification
Ici, pas de barriques neuves, les fûts viennent d'Yquem, ils ont entre un et deux ans.
Bien entendu, cette fermentation est induite par les seules levures indigènes qui sont parfaitement adaptées à l'équilibre recherché. les barriques qui n'atteignent pas la qualité requise sont écartées, mais il n'y a pas de second vin à Fargues. Les 15 000 bouteilles produites en moyenne portent toutes le fanion du château. En revanche, un vin sec, Guilhem de Fargues, est élaboré lorsque les circonstances climatiques lui sont favorables, à l'image du rare y d'Yquem.
Le rajeunissement du parc à barriques est un progrès évident. Les vins gardent plus d'onctuosité et ont moins tendance à sécher. Ici la recherche de l'équilibre est fondamentale, un subtil mélange entre liqueur et cette minéralité, ces notes balsamiques et d'aiguille de pin qui ont, de tout temps, fait l'originalité du cru. Un rajeunissement qui a évité avec bonheur l'introduction de bois neuf. Fargues présente un fruit dans toute sa pureté, les épices apportées par le chêne sont juste là pour souligner la complexité du vin, tendu par cette fraîcheur appétant qui donne beaucoup de relief et de vibration au vin. La complexité, parlons-en.
Ce terroir homogène pourrait être un frein à son expression. C'est en gardant les lots de tries le plus longtemps possible séparés que François Amirault et Alexandre du Lur Saluces composent leur palette. Du grand art qui trouve son aboutissement dans le millésime 2005, sorte d'équilibre magique entre force et fraîcheur, liqueur et nervosité, dans la grande lignée des 2001 et 1997. Le tout pour des prix trois fois moins élevés que ceux de l'illustre voisin. Les amateurs ne s'y tromperont pas .•

Verticale du Château de Fargues(RVF)

***** 2005 (138 g)
****(*) 2004 (128 g)
****(*) 2003 (132 g)
**** 2002 (122 g)
***** 2001 (132 g)
**** 1998 (122 g)
***** 1997 (117 g)
****(*) 1990 (124 g)
**** 1986 (108 g)
***** 1983 (100 g)

Rançon de l'exigence de qualité à l'honneur dans la famille: 1964, 1972, 1974, 1992 n'existent pas!

Sources :
Guide Ferret 1996
Le Gout du vin – Emile Peynaud
La RVF, Mars 2006, Septembre 2006, Octobre 2006
Yquem, Richard Olney - Flamarion
http://www.sapros.org/ - http://www.cru-barrejats.com/fr/accueil.htm - www.yquem.fr/ - http://www.chateau-de-fargues.com/

A gouter :

Cru Barréjats Andalouse de Barréjats 1997
AOC Sauternes (Barsac)

Le Cru Barréjats sur le plateau du Haut-Barsac, est un terroir argilo-calcaire entre Garonne et Ciron, propice au Botrytis et, complanté de très vieilles vignes - certaines ayant plus de 80 ans - de Sémillon 85%, de Sauvignon 10% et de Muscadelle 5%.
Nous sommes convaincus que le bon vin se fait d'abord à la vigne en respectant le terroir, et le végétal. Nous cultivons selon la tradition, sans produits désherbants : Le travail à la charrue fait vivre le sol. Nous alternons chaussages, déchaussages et façons superficielles. Nous apportons régulièrement du fumier de ferme à l'exclusion de tout engrais minéral. Les traitements sont raisonnés.
Jusqu'à la fin de l'été, jeux de mains et cache-cache avec ce Botrytis Cinerea toujours présent - taille à côts, épamprages, entre-cœurs, effeuillages - pour avoir aux vendanges des raisins sains, d'une belle maturité, capables alors d'exprimer le terroir et d'ennoblir le Botrytis.
Ensuite, et chaque année suivant son bon vouloir, il faut savoir attendre ce Ténor... ou galoper à sa suite !
1996 : En juin, les conditions sont idéales pour une floraison de la vigne qui se fait de manière groupée, sous un magnifique et chaud soleil, jusqu'à 34 C, expliquant l'abondance ultérieure de la récolte. Eté sans particularité, chaud, quelques orages. Le mois de septembre est froid et sec les premiers quinze jours, la maturité progresse encore avant que les conditions ne soient propices au développement du botrytis durant la dernière quinzaine qui est pluvieuse. La botrytisation est très lente et continue durant tout le mois d'octobre, sous un beau temps sec.
Les vendanges sont donc étalées du 3 au 31 octobre : Chaque jour nous avons trié, grain à grain, sans relâche, à 14 personnes sur 2,7 hectares.
Cru Barréjats 1996 : Rendement exceptionnel, tout est relatif… de 17 hl/ha.
Les arômes exotiques sont superbes sur nos moûts, et quand le vigneron récolte d'aussi beaux fruits, la vinification ne doit avoir q'un seul but : préserver cette expression aromatique pour ne mettre que des fruits en bouteille...
Le pressurage vertical hydraulique nous permet d'extraire sans triturage, en trois pressées très lentes jusqu'à midi le lendemain, tous les sucres et les arômes emprisonnés dans ces grains de raisin confits de Botrytis.
Dès lors tout est joué : La qualité du Cru Barréjats, expression du terroir, du fruit et du Botrytis, se goûte dans les moûts qui coulent du pressoir !
Léger débourbage au froid, fermentations en barriques 100% neuves (Mercier, Seguin Moreau, Vicard), dans un chai dont nous contrôlons la température, arrêt des fermentations au froid ce qui permet de diminuer l'adjonction de soufre, traçage des barriques dans le chai afin de préserver leur identité le plus longtemps possible …
Ainsi, nous avons choisi de mettre en bouteilles séparément, 3 barriques, les plus forts potentiels de la récolte, 25 , qui ont fermenté très lentement et ont atteint un équilibre différent du Cru Barréjats (14 + 90 g) au final : 13,5 + 190 g de sucres résiduels… pas chaptalisé bien évidemment !
L'élevage long mais simplissime, 32 mois en barriques neuves - merveilleux outil de vinification et non d'aromatisation - un minimum de SO2 et des conditions d'hygiène stricte lors de chaque soutirage annuel fait que le Cru Barréjats 1996 était exempt de levures et de bactéries viables avant la mise en bouteille. Comme pour le Cru Barréjats 1995, l'originalité de la vinification du Cru Barréjats 1996 est là : Une seule filtration très lâche lors de la mise. Le Cru Barréjats 1996 garde ainsi tout son fruit, toute sa richesse et sa complexité.
Nous avons mis en bouteilles le 1er juillet 1999 le Cru Barréjats 1996 : 3 500 bouteilles, 2 800 50cl et 100 magnums, et l'Insoumis de Barréjats : 1000 50cl. L'affinage se poursuit dans notre cave…
Mireille DARET - Philippe ANDURAND

Nous restons dans le domaine du superlatif avec ce vin. Vous pourrez ainsi déguster un Sauternes oxydatif. Ecoutons Mireille Daret : L'année 1997 commençait mal : Gel au printemps ... puis 8 des 16 barriques de la récolte 1997 du Cru Barréjats, sont reparties en fermentation au cours de l'été 1998. Alors pour ce 1997 en lequel nous placions beaucoup d'espoir, tellement la matière était belle, nous avons décidé de laisser faire la nature ... Nous pensions pouvoir ouiller et bonder ces barriques après cette seconde fermentation, le vin étant stabilisé. Mais la nature ne s'est pas arrêtée en si bon chemin : Ces barriques sont reparties en fermentation l'été 1999, l'été 2000, l'été 2001, l'été 2002 ... Après l'hiver 1998-1999 nous avons compris que décidément nous avions affaire à un enfant terrible, qui avait choisi sa voie, celle de l'oxydation par la même occasion, et nous l'avons accompagné : élevage oxydatif, sans soufre, sur lies fines, sans soutirages et, en laissant un creux d'air dans les barriques.Enfin l'été 2003 fut calme ... Et ce que nous goûtions dans les barriques nous plaisait : De l'ambre liquide, un joli nez de rancio sur une bouche liquoreuse, 16,5 d'alcool acquis pour 75 g de sucres résiduels. Nous avons alors décidé de mettre ce vin en bouteilles, avec une filtration stérile - on ne sait jamais !!! - le 8 avril 2004. Au final 1800 bouteilles : La part des anges a été de 2 barriques sur 8, pour cet élevage de 6 ans et demi.Et le miracle de 1997 se reproduit chaque fois que nous buvons ce vin sur des plats très épicés, tajines ou curry : explosion des saveurs garantie !

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